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pas deux heures de travail sérieux ; il devait paraître à la Bourse et suivre la correspondance avec ses fournisseurs.

Ce négociant, pauvre encore, à 25 ans, à l’âge où l’on se mariait avant la Révolution, ne se mariait pas. Il n’avait pas le temps, ni la patience de faire la cour à la femme d’un autre, car, avant tout, il était viveur. Il se faisait donc le protecteur d’une jeune marchande de modes aux beaux yeux, venant des Pyrénées. On tirait des jeunes filles de ce pays-là, comme des mouchoirs, de Cholet.

À 45 ans, deux partis se présentaient au négociant de Bordeaux, déjà à la tête d’une fortune de 4 à 500 mille francs : continuer à vivre avec sa maîtresse, à laquelle il était attaché par les liens de l’habitude, ou lui offrir dix mille francs avec lesquels elle trouvait un honnête époux dans son pays ou dans quelque petite ville pauvre des environs de Bordeaux, telle que Tulle, Cahors, Figeac, Lectoure, Albi.

Dans ce cas, le négociant lui-même se mariait, fort tard comme on voit ; il avait peu d’enfants. Dès que sa fortune arrivait au million (somme considérable alors) il songeait à acheter une savonnette à vilain (c’est le mot employé constamment dans la conversation d’hier ; cela veut dire une charge