Page:Stendhal - Voyage dans le midi de la France, 1930.djvu/137

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duit aux trois ponts-levis, nous a fait une réponse pleine d’esprit et de bon sens. Il faudrait l’envoyer à Paris dans un collège ; il rencontrerait la gloire de son aïeul et noblesse oblige.

Ces messieurs, presque contemporains de Montesquieu, nous encouragent à leur faire des questions : je rapporterai de pures bagatelles.

1o Montesquieu parlait science avec trois ou quatre collègues dans la salle de l’Académie de Bordeaux ; on [se] promenait, et, à chaque tour, on s’approchait de la fenêtre sur laquelle était un vase d’œillets. Ce vase était vivement échauffé par le soleil. Montesquieu le tourne sans qu’on s’en aperçoive, puis, au tour suivant, s’écrie : « Voici qui est bien singulier, Messieurs ; les plus grandes découvertes tiennent souvent à une observation donnée par le hasard. Le côté de ce vase d’œillets qui est à l’ombre est bouillant et le côté exposé au soleil est froid. »

Les savants de province prennent la chose au sérieux ; on discute et, qui plus est, on explique. Montesquieu, effrayé pour leur amour-propre, se hâte d’avouer la plaisanterie.

2o Il courait la ville un jour avec Mme de Montesquieu, femme excellente, pleine de sens et qui avait toute son