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question, il faut un de ces accoutumés de longtemps à ne voir dans Raphaël que de l’argent. J’écouterai donc sur cette œuvre l’avis d’un marchand de tableaux. J’en connais un à Florence parfaitement honnête.

Il offrait un jour à un peintre un petit Giotto :

— Je l’achèterais, car il est divin, dit naïvement celui-ci.

— Comment, Monsieur, un homme tel que vous sans argent ! Faites-moi l’honneur d’accepter en prêt cette petite somme de 20 écus (106 fr.). Un pauvre diable tel que moi n’est pas riche.

Le peintre eut bien de la peine à se défendre de cette singulière proposition, sans offenser ce brave homme. Un marchand de Bologne ou de Venise se connaît moins en Raphaël. J’invoquerai aussi le témoignage de M. le comte D. de Pérouse qui, pour acheter des dessins de Raphaël, porte un habit troué au coude ; et les cadres de chacun de ses nombreux tableaux coûtent 3 ou 400 francs ! J’ai vu chez M. D. un saint Jean du Poussin : c’est la plus belle couleur de ce peintre que j’aie jamais vue.

Mais revenons au Musée Fabre. Vis-à-vis du beau jeune homme fat et bas, on voit la grande figure d’un homme aux yeux gros et couverts. Le livret nous dit