Page:Stendhal - Voyage dans le midi de la France, 1930.djvu/253

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ce qui me charme en ce pays. Le Marseillais est franc et même grossier ; il dit ce qu’il pense, quand même ce qu’il pense est un peu contraire à la politesse. Ailleurs on voit des gens qui écoutent les longues histoires ; vous voyez un Marseillais faire deux ou trois mouvements, puis dire à l’ennuyeux : « Pardon, Monsieur, je n’ai pas le temps aujourd’hui » ; et il prend la fuite. Le Marseillais est honnête en affaires.

Le travail de Marseille n’est point le travail de Paris, de Rouen, et, encore moins, de Lyon.

Le négociant de ce pays va, le matin, à 10 heures, à la Bourse de Casati (c’est le Tortoni du pays) ; le soir à quatre heures à la Bourse véritable sur le port ; mais, du reste, il n’est presque jamais à son comptoir. Quant au dimanche, pour rien au monde vous ne lui feriez sacrifier sa bastide. M. N., mon ami, voulut un jour risquer 150 louis et tenter une expérience. Il s’arrange pour rencontrer, le dimanche à 7 heures du matin, un négociant de notre connaissance ; il lui propose une affaire admirable : il s’agissait de gagner 5 % sur une marchandise, probablement sans la déplacer. Le Marseillais comprit rapidement de quoi il s’agissait ; il fallait rester 40 ou 50 minutes de plus