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Dans la partie la plus obscure du Musée, on a mis le tableau de Raphaël : Saint Jean écrivant l’Apocalypse et, en vérité, je croirais que pour cette fois, MM. les échevins, directeurs suprêmes du Musée, ont eu de la malice.

Ce tableau, s’il est de Raphaël, est de bien loin le moins bon qui nous reste de ce grand homme. On connaît son talent pour rendre avec une vivacité et surtout une profondeur qui ne nuit jamais à la vérité la plus parfaite, les moindres nuances de passion. Il excelle surtout à représenter le respect, la dévotion, le dévouement sublime. Hé bien ! ce saint Jean est à cheval sur son aigle comme un nigaud ; il a l’air de rêver, en écoutant l’inspiration divine ; son geste est mieux que niais, il est sot. Il y a d’ailleurs une petite absurdité ; il se dispose à écrire sur une tablette de pierre avec une plume. Le musée de Paris envoya ce tableau aux Marseillais lors de l’établissement de leur musée. Les personnes qui le veulent original disent qu’il faisait partie de l’ancienne collection du cabinet du roi et qu’il avait été gravé par Simonneau. Il faudrait le voir de près, au grand jour, et l’examiner avec une loupe. Je le croirais une copie faite dans le temps et par un élève qui n’a pas su voir, ou du moins rendre la nuance d’expression