Page:Stendhal - Voyage dans le midi de la France, 1930.djvu/306

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crue, je me suis réjoui de l’apparition du mistral. Je l’ai vu naître en revenant de La Seyne. En sortant du joli petit port de cette ville, le temps était noir ; au moment d’entrer dans le port de Toulon, on a pu distinguer au ciel la place où était le soleil. Dans ce moment, le mistral fait aller toutes les portes, et dans la rue, on est en manteau.

À la table d’hôte, j’ai dîné vis-à-vis de beaux officiers de Paris qui, demain, partent pour l’Afrique. Fatuité presque involontaire de ces messieurs en parlant à un brave officier de marine, il est vrai d’un ton fort naturel et fort simple, qui arrive d’Afrique et qui y a été plusieurs fois.

Ce bon marin, quoique brûlé par le soleil a toute la bonhomie d’un Allemand. Il se trompe sur le nom d’un général qui commande sur un point en Afrique. Immense mépris avec lequel ces messieurs le relèvent, air jeansucre quoique poli, qui dirait : « Grand Dieu ! comment peut-on commettre une erreur aussi immense ! » Le pauvre marin a vu ce ton, mais n’a pas su se défendre.

« Aussi, Messieurs, j’ai vu changer quarante fois au moins les généraux auxquels nous avons affaire à Oran, à Bône, à Bougie. Nous avons pris le parti de ne faire aucune attention aux noms de ces généraux.