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Avec cela peut-on voir Fréjus ? Il faudrait ne pas s’arrêter à Toulon et filer malgré la fatigue.

Dégoût. — Début à Grasse. (Jolie servante.)

Depuis bien longtemps, 20 ou 25 ans, j’éprouve un moment de dégoût profond, une heure après être arrivé dans une ville, et plus je me suis fait une image charmante de la ville, plus mon imagination s’en est occupée, plus vif et plus pénible est le moment du dégoût.

Je viens seulement de voir le pourquoi à Grasse (le 20 mai 1838). Je suis obligé de m’occuper de petits soins terrestres : chercher un café, chercher une chambre, empêcher qu’on ne me trompe, etc., etc… Toutes ces vilenies distraient mon âme de ses charmantes rêveries.

Donc foule d’entraves que l’on voudrait loin et pour la première fois, depuis 8 ans, je suis forcé de songer à l’économie. Je n’ai plus que 46 francs pour retourner à Marseille. Pourquoi n’avoir pas pris 200 francs ; pourquoi ne pas avoir toujours 10 napoléons cousus dans une ceinture ? Mon imagination l’emporte, je me livre au plaisir de rêver et je néglige les soins terrestres nécessaires.

J’arrive à 11 heures. J’étais parti de Draguignan à 2 heures du matin, après