Page:Stendhal - Voyage dans le midi de la France, 1930.djvu/84

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gaires de ce public ; c’est ce qui fait que j’abhorre la foule qui ne permet pas la volupté de vivre au hasard et de se livrer au plaisir de faire des romans ; et, je le jure, en dépit de l’âge, je ne songeais pas aux broderies du collet de mon habit. Le premier degré de ma rêverie avait été de me réciter à moi-même le premier sonnet de Pétrarque qui, malgré une faute de logique ou deux, me semble un des plus beaux ouvrages de l’esprit humain.

En passant devant la tour de La Réole, le jeune homme me fait remarquer combien les rives de la Garonne sont supérieures en beauté aux rives trop vantées de la Loire d’où il arrive.

À onze heures et demie du matin nous passons sous le pont suspendu de Tonneins, garni d’une foule de paysannes en cotillons rouges. C’est jour de foire à Tonneins, mot que l’on prononce ici Tonin-ce. Le balcon en fer du jardin public est aussi garni de jupons rouge garance. Cette petite ville connue par sa manufacture de tabac est bâtie sur l’extrême bord d’un rocher de pierre tendre d’une trentaine de pieds de hauteur. Le bateau s’arrête pour débarquer les voyageurs au pied d’un escalier d’une quarantaine de marches établi dans ce rocher. Les maisons ont trente mètres. La ville s’étend longuement le