Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/12

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nous invite, en quelque sorte, à nous plaindre des injustices du sort, la tendance de mon esprit étant de me considérer dans l’ensemble et non à part des communes tristesses.

Une telle manière de voir, lorsqu’elle nous devient familière, diminue beaucoup l’infatuation qui voudrait entretenir de soi ses proches ou le public.

Cependant, dès ma première jeunesse, un mouvement spontané me portait à écrire, pour en garder la mémoire, mes joies et mes peines. Mon âme était de sa nature recueillie. Elle répugnait à l’oubli et à la dissipation. Un secret instinct d’artiste, qui dès lors s’éveillait en moi, se plaisait aussi, sans doute, à fixer, comme en un tableau, les images fugitives qui se succédaient dans mes journées.

De là, une habitude, prise sans y songer, de me rendre témoignage de mes propres sentiments. De là, une conscience exercée à me juger moi-même ainsi que d’ordinaire on juge autrui. De là aussi, dans les heures tardives, en relisant cette longue suite de souvenirs, où se rencontraient tant