Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/14

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Hormis Goethe, et, dans un rang moindre, Alfieri, qui tous deux ont gardé, avec la sincérité, une bienséance parfaite, les plus illustres entre ces confesseurs d’eux-mêmes et du cœur humain m’inspiraient tout ensemble un vif attrait et des répulsions très-vives. Le premier de tous, saint Augustin, en mêlant aux repentirs de l’homme les scrupules du casuiste, m’attendrissait ensemble et me faisait sourire. — Admirable, mais plein de bassesses, le livre de Rousseau étonnait tous mes instincts. — Dans les aveux de sa noble adepte, de cette femme d’une vertu antique, qui ne connut ni la peur ni le mensonge, j’aurais voulu effacer les pages trop semblables au maître. — Le grand style de Chateaubriand me causait, comme à celle qui lui fut si chère, des frémissements d’amour[1] ; mais aussitôt le souffle de ses vanités se levait et glaçait mon enthousiasme. On le voit, c’était à mes yeux une tâche très-difficile que celle d’écrire ses mémoires de manière à n’offenser ni le goût ni la morale. Et pourtant, s’agissait-il des autres, je trouvais pour les y exhorter des arguments qui me paraissaient

  1. Expression de madame de Beaumont.