Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/143

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en Touraine très-gracieusement, mais sous la condition tacite, néanmoins, d’être par eux amusée.

En ce qui me concernait, ils réussissaient on ne peut mieux, ayant pour moi mille prévenances.

La renommée littéraire et politique de M. Fiévée m’imposait ; il avait un fort beau visage avec des manières graves et affables, auxquelles j’étais très-sensible. Enfin il causait avec moi comme avec une grande personne, et je lui en savais un gré extrême. Quant à M. Leclercq, affreusement grêlé de petite-vérole, quasi borgne et de manières sautillantes qui ne me plaisaient pas du tout, il était néanmoins le très-bien venu de moi et de mes compagnes, lorsque, à la demande générale, il consentait à nous faire lecture de quelqu’un de ses Proverbes. Les dimanches me semblaient plus attrayants quand nous en passions une partie à écouter ces petites comédies où il raillait avec gaîté les travers et les ridicules du siècle. Ces lectures étaient très-goûtées ; leur succès, qui faisait du bruit, suggéra à M. Leclercq la pensée d’un succès plus grand. Il engagea ma mère à faire représenter chez elle, dans son salon de Paris, ces proverbes, dont la lecture ne donnait, disait-il, qu’une impression languissante. Mon frère, qui avait alors dix-neuf ans, favorisait un projet qui lui ouvrait les plus riantes perspectives ; la chose l’ut convenue, et l’hiver suivant on monta chez nous un petit théâtre.