Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/156

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supériorité ou quelle infériorité de nature m’y laissait comme indifférente.

Ma mère me conduisait aussi au théâtre. On y donnait l’opéra allemand avec une troupe excellente. J’y retrouvais, vivantes, animées, les partitions où l’on m’avait enseigné la musique : les Noces de Figaro, Don Juan, Obéron, l’Alceste et l’Orphée de Gluck, la Vestale de Spontini. Là, j’étais véritablement charmée. Là, mon âme s’ouvrait à des joies profondes. Là, tout enfant que j’étais par les années, j’éprouvais des émotions si vives que le souvenir m’en est resté ineffaçable.

Au bal, sans me dire pourquoi, ma mère m’interdisait de valser. Elle suivait en cela les bienséances françaises, qui ne permettaient pas à cette époque la valse aux jeunes demoiselles. Mais sa prudence, si c’en était une, y gagnait très-peu, ou point du tout. Comme l’orchestre ne jouait pas plus de deux ou trois contredanses par bal, le reste du temps, les banquettes se dégarnissant des jeunes valseuses, j’y restais seule assise, sans occupation ni contenance. Il arriva qu’un jour, par hasard, un vieux diplomate étant venu s’asseoir auprès de moi, il noua la conversation en m’interrogeant sur la société parisienne ; mes réponses lui plurent. Il le dit à ses collègues et leur vanta mon esprit.

Tous y vinrent l’un après l’autre : M. Lamb, ministre d’Angleterre ; M. de Pechlin, envoyé de Danemark ;