Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/198

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nion, est, dans les éducations françaises des jeunes filles, ce que l’on pourrait appeler en langage stratégique l’objectif des parents et des institutrices ; objectif vague et mobile, qui donne à tout le plan des études quelque chose de vague aussi, d’inconsistant, de superficiel, dont se ressentira toute sa vie la femme la plus sérieuse.

Lorsqu’il s’agit, comme c’est le cas dans les éducations germaniques, de former pour elle-même, de développer selon sa nature propre, pour une fin morale indépendante des accidents extérieurs et des situations variables, l’intelligence, le cœur, la raison d’un être humain, on peut se tracer un plan bon ou mauvais, meilleur ou pire ; on peut avoir un système conséquent, des principes bien établis. Mais lorsqu’on ne conçoit, comme il est arrivé chez nous jusqu’à cette heure, l’existence d’une femme que d’une manière toute relative, dépendante, impersonnelle en quelque sorte et subordonnée, quel esprit veut-on qui préside à l’éducation des jeunes filles ? Que pourrait-on leur enseigner sérieusement, solidement, quand on suspend toute leur destinée aux bienséances éventuelles d’un mariage tout de circonstance ? quand l’intelligence peut devenir une difficulté, la raison un obstacle, la conscience une occasion de lutte ou de révolte, dans une existence où l’on ne peut prévoir d’autre vertu que la docilité au maître, la résignation