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Pendant mon séjour au couvent, ce fut tout autre chose. En l’absence de notre mère, Auguste, plus à l’aise, fut pour moi pleine de tendresse. Comme elle avait infiniment d’esprit et de gaieté dans l’esprit, je me plaisais beaucoup avec elle. Sa maison était modeste, mais nullement banale d’aspect. Située au fond de la cour d’un hôtel de la rue des Saints-Pères, justement en face de la rue Taranne, avec un joli jardin que ma sœur et son mari cultivaient à leurs heures perdues, elle avait un air de campagne, retiré, silencieux, qui me causait, au sortir de mon brillant et bruyant Sacré-Cœur, une sensation agréable. J’y trouvais une bibliothèque, un piano à queue, des revues illustrées. Auguste ne manquait jamais, pour mes jours de congé, de préparer quelque divertissement instructif : une visite au Musée, au Jardin des Plantes, un concert.

Au retour, on s’amusait avec les enfants. Elle avait deux fils, Maurice et Léon, dont elle raffolait. Le plus jeune, Léon, âgé de six ans, était le plus joli enfant que j’eusse jamais vu. Habituellement silencieux, n’aimant pas à jouer avec son frère, craintif avec ses parents, il s’était pris pour moi, à ma première visite, d’une sorte de passion. Il m’appelait Marie-Tante ; et dès que Marie-Tante paraissait, il se pendait à sa jupe, d’où l’on ne pouvait plus l’arracher. Le soir, quand il fallait se dire adieu, c’étaient des pleurs, des san-