Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/216

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quoique petite, la taille très-bien prise, et elle apportait beaucoup de soin dans son ajustement. La célèbre Victorine, habilleuse de mademoiselle Mars, faisait ses robes.

Cependant, sa présence, sans que j’eusse su dire pourquoi, ne m’était point agréable ; sa conversation ne tenait pas mes esprits en éveil. Bien qu’elle n’eût pour moi qu’indulgence et complaisance, l’idée ne me serait pas venue de lui ouvrir mon cœur. Je lui obéissais en toutes mes actions, — il est vrai qu’elle commandait peu — mais elle n’avait aucune prise sur mes pensées. Presque toujours ensemble, nous ne nous parlions jamais néanmoins de choses intimes.

Ma mère attachait à la ponctualité dans l’emploi des heures et à la surveillance du ménage une importance extrême. Elle administrait sa grande fortune, balançait ses dépenses et ses revenus avec une exactitude toute francfortoise. Plus tard j’ai apprécié ces qualités solides, cette capacité pour les affaires qui me manquait, mais alors j’en étais comme importunée. Je ne m’intéressais guère davantage aux propos qui s’échangeaient dans les visites que nous recevions ou rendions ; les disgrâces, les travers, les ridicules d’un chacun, dont on s’entretenait dans ces fréquentations avec une vivacité singulière, ne donnaient à mon imagination aucun aliment ; mon attention se détournait, je tombais dans