Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/246

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son expérience était complète, mais sans amertume. Il avait, en parlant des hommes et des choses, un sourire désabusé plein de douceur. Son corps maigri, son visage miné par la souffrance, gardaient une élégance et un charme incomparables. Il aimait la conversation des femmes. Il y portait cette pénétration discrète, ce sous-entendu, ce je ne sais quoi délicat et tendre qui leur plaît et les retient attentives. Les nuances, les insinuations de sa voix et de son sourire étaient infinies, surtout lorsqu’il voulait persuader. Rien n’égalait pour moi le plaisir d’entendre sa parole qui cherchait la mienne, de sentir son regard qui cherchait le mien.

Il est de la nature féminine, courageuse dans l’ordre moral, mais aisément intimidée et d’une faible initiative dans le monde de l’action, qu’elle soit attirée vers les qualités qui lui manquent et qui la complètent.

Quand M. de Lagarde qui, d’habitude, parlait peu de lui, me racontait quelques faits de sa vie pas quanti, dans la simplicité de ses récits, je sentais sous son apparence débile la constance de son courage, tout en moi se recueillait pour mieux L’entendre et pour l’admirer.

Dès la première fois que nous nous étions rencontrés — c’était chez le marquis d’Autichamp, gouverneur du Louvre, parent de M. de Lagarde. à l’occasion de la procession de la Fête-Dieu que suivaient les