Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/274

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ce n’en est pas la seule cause, il s’en faut bien, mais ce n’en est pas non plus une des causes moindres.

Les deux premières sociétés, le faubourg Saint-Germain et le faubourg Saint-Honoré, séparées seulement par des nuances d’opinions ou par des situations plus ou moins variables, se rencontraient, se mêlaient aisément. Elles ne voyaient la troisième, formée de gens nouveaux, enrichis dans les affaires, qu’aux rares occasions des fêtes officielles[1].

J’appartenais, comme on l’a vu, par mon père, à la partie la plus exclusive, la plus pure, en ses opinions comme en ses traditions, du faubourg Saint-Germain. L’émigration, la Vendée, le pavillon Marsan, la Congrégation, le Bord de l’eau, tous les défenseurs de l’autel et du trône, tous les fervents du Vive le roi

  1. Une anecdote de ma vie mondaine montrera comment l’opinion séparait alors ces deux sociétés. Dans un bal qui se donnait à Francfort, chez mon oncle Betbmann, en 1815, quelques dames allemandes, comparant, à la contredanse, une jeune française, mademoiselle Lambert et moi, demandèrent à un secrétaire de notre ambassade laquelle, selon lui, dansait avec le plus de grâce. « Elles dansent toutes deux à merveille, répondit le galant diplomate (M. Denys Benoist, aujourd’hui M. le comte Benoist d’Azy), l’une, comme au faubourg Saint-Germain, l’autre, comme à la Chaussée-d’Antin. » Le mot fut trouvé joli, répété, bientôt altéré. Lorsqu’il revint à son auteur, on lui faisait dire que mademoiselle de Flavigny dansait comme au faubourg Saint-Antoine. Les bons Allemands n’y entendaient pas malice ; mais, pour nous, autres Français, quelle énormité !