Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/282

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des princes et des grands de sa maison. L’œil d’un Holbein aurait vu, appuyées sur le dossier de pourpre du siège royal, les mains pâles de la Mort, officieuses et perfides. Louis XVIII n’avait plus que peu de mois à vivre. Il le savait. Atteint de cette somnolence sénile qui annonçait aux médecins sa fin prochaine, observateur impassible des progrès de la gangrène qui rongeait ses os ramollis et ses chairs paralysées, le roi, lorsqu’il sg montrait encore en public, n’avait plus qu’un souei : maintenir dans sa personne affaissée la majesté royale. Par un effort inouï de sa volonté, Louis XVIII, relevant sa belle tête bourbonnienne que la pesanteur du sommeil faisait malgré lui retomber, prononça le discours solennel, dont les phrases, commencées d’une voix vibrante encore, s’achevaient inarticulées dans un pénible et confus murmure.

Le comte d’Artois, debout près de son frère, jetait de loin à loin sur l’assemblée un regard vague ; il souriait, comme par habitude de courtoisie, d’un sourire plus vague encore. À ses côtés, le duc d’Angoulême, le héros du Trocadéro, selon le langage des gazettes, embarrassé de sa gloire et de sa contenance. La duchesse d’Angoulême, en costume de cour, droite et raide. La duchesse de Berry, gracieuse dans sa gaucherie enfantine, tout affairée à ses dentelles, à ses plumes, à ses colliers, occupée, sans y parvenir, à se composer un maintien. Les ministres derrière le roi.