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Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/324

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À l’avènement de Charles X, à l’occasion de son sacre, Delphine Gay s’était enhardie à publier une Vision où Jeanne d’Arc lui apparaissait, la saluait Muse de la patrie. Le roi averti avait voulu voir cette muse française ; il était resté charmé de ses grâces, et, la belle jeune fille n’ayant point d’autre dot, il l’avait gratifiée d’une pension sur sa cassette[1].

Vers le même temps, Delphine rencontrait en Italie le chantre d’Elvire. Des amitiés illustres, des bruits de mariage donnaient à son laurier virginal un nouveau prestige. Je ne sais si, d’elle-même, Delphine eût souhaité, eût cherché du moins tout ce retentissement. Elle avait une âme forte et portée a la grandeur. Elle était passionnée, capable d’ambitions hautes. Mais de bonne heure, tout enfant, avant que de naître, l’éclat et le fracas, dans la personne de sa mère, lui ouvraient sa place en ce monde et lui préparaient son berceau. Madame Gay était une célébrité des premiers beaux jours de l’empire. Elle en gardait le geste et

  1. Le bruit avait couru, vers ce même temps, que Charles X, fidèle jusque-là au souvenir de madame de Polastron à ce point de n’avoir jamais voulu entendre à aucune négociation de mariage, et bien moins encore à aucune liaison galante, écoutait, sans les écarter, depuis qu’il avait vu la belle Delphine, les insinuations que lui faisaient les gens de sa maison au sujet du made Louis XIV avec madame de Maintenon. Je n’ai jamais su si ces bruits avaient le moindre fondement.