Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/348

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ne pouvais me défendre d’une chrétienne sympathie pour le courage et le malheur du peuple.

La paix régnait encore autour de nous, aucune lutte n’était engagée sur la rive gauche. On n’y avait pas élevé de barricades. Nous passâmes la journée du mercredi 28 sans apprendre grand’chose. Les bruits étaient confus et contradictoires. Où était le roi ? Où était le prince de Polignac ? Que faisait le maréchal ? On ne savait trop. À six heures du soir, en nous mettant à table, nous apprîmes par des amis de M. de Vitrolles que celui-ci allait et venait incessamment de Paris à Saint-Cloud, de Saint-Cloud à Paris, pour arracher au roi quelques concessions et les faire agréer des insurgés. Tout allait mal, nous dirent-ils ; l’insurrection était partout victorieuse. Le maréchal demandait du renfort et n’en pouvait obtenir !…

Quant aux desseins des libéraux, quant à ce qui se passait dans les réunions publiques, nous demeurions dans une ignorance complète.

On ne parlait pas chez nous du duc d’Orléans. L’absence de la Dauphine et de la vicomtesse d’Agoult nous laissait sans nouvelles directes des princes, et nous en étions réduits aux conjectures. Une longue nuit se passa encore dans cet état. Le lendemain jeudi 29, notre quartier s’agitait ; des colonnes d’étudiants et d’ouvriers, parties de l’Odéon, assaillant les postes. s’avançaient par lesquaiset la rue du Bac, vers le Lou-