Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/39

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je m’attachai à lui de très-bonne heure, et ce fut pour toute la vie. Lui aussi, il était porté vers moi d’une inclination naturelle : et malgré ce que les événements, les passions, les intérêts, devaient jeter un jour à la traverse, notre mutuelle amitié se retrouva sur le tard, attristée, mais indestructible, au fond de nos cœurs.

Selon ce qui m’a été rapporté, je suis née à Francfort-sur-le-Mein, vers le milieu de la nuit du 30 au 31 décembre de l’année 1805[1]. Il règne en Allemagne une superstition touchant ces Enfants de Minuit, Mitternachtskinder, comme on les appelle. On les croit d’une nature mystérieuse, plus familiers que d’autres avec les esprits, plus visités des songes et des apparitions. J’ignore sur quoi s’est fondée cette imagination germanique, mais, il faut bien que je le dise, dût l’opinion qu’en prendra de moi la sagesse française en être très-diminuée, je n’ai lieu, en ce qui me touche, ni de railler ni de rejeter entièrement la croyance populaire qui m’apparente aux esprits. — Que le lecteur en soit juge : mainte fois, dans le cours d’une existence très-éprouvée, je me suis vue avertie en des songes étranges, symboliques en quelque sorte, dont le souvenir me poursuivait sans que j’y pusse rien comprendre, et qui s’appliquaient ensuite, le plus exactement du monde, aux événements, aux

  1. La maison où je suis née existe encore : elle forme l’angle du Rossmarkt et de la Gallienstrasse.