Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/68

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la séduction d’un esprit charmant, d’une fine galanterie, d’une libéralité et d’une belle humeur qui lui valaient ensemble la faveur des salons et les sympathies populaires. Les circonstances aussi le servaient. Pendant les guerres de l’Empire, les souverains de l’Allemagne avaient eu recours à son crédit ; il leur avait fait des avances considérables. Au congrès de Vienne, l’empereur d’Autriche lui avait donné rang dans sa noblesse ; l’empereur Alexandre, qui avait voulu être parrain d’un de ses fils, avait nommé Moritz von Bethmann son conseiller d’État et son consul général dans la ville de Francfort. Le train de maioon de mon oncle n’était pas d’un particulier, mais d’un prince, sans faste néanmoins, sans ostentation, magnifique avec simplicité. Bien qu’il habitât, par esprit de tradition, dans une des plus vieilles rues de la ville, la Buchgasse, la vieille maison en bois appelée le Baslerhof[1], maison de triste apparence et de

  1. Un usage du moyen âge allemand donnait un nom, un emblème, une légende aux maisons que l’on bâtissait. La maison du Baslerhof (cour de Bâle), doit avoir pris son nom du berceau de mon aïeule. Attenant au Baslerhof et en faisant partie, était la petite maison surnommée le Vogelstrauss (l’autruche), que j’ai habitée avec ma mère, et où je voyais encore l’an passé (1865), non sans émotion, sur la façade extérieure, la vieille image peinte, fort injuriée du temps, mais entière néanmoins, grave et pensive, de l’oiseau du désert.