Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/84

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Quand nous venions ensemble, le dimanche, à la maison de campagne de ma grand’mère ; quand notre maître de pension, M. Engelmann, faisait faire à ses élèves la promenade du tour des remparts, dans les bosquets fleuris ; quand on nous conduisait au petit temple grec de l’Ariane ; quand ma tante nous menait en calèche découverte à Rodelheim, à Bockenheim, au Sandhof, dans tous les riants alentours, les grands yeux noirs de ma cousine Cathau attiraient autour d’elle tout un essaim de galants. Ce qu’on lui disait, ce qu’elle répondait, je ne l’entendais qu’à moitié, et je ne le comprenais guère ; mais je sentais vaguement qu’il y avait entre les personnes jeunes des deux sexes quelque chose de très-aimable et d’un peu secret qu’il m’eût été doux de connaître. Je surprenais des sourires, des regards qui ne me concernaient pas, mais qui me faisaient rougir. Les bouquets qu’apportaient à mon heureuse cousine de beaux cavaliers me semblaient bien plus gracieux et de plus délicieuse odeur que les fleurs coupées pour moi, de la main du jardinier, dans les plates-bandes de la vieille dame.

Un événement singulier qui se passa dans nos classes contribua à me troubler davantage. Quelques élèves qui touchaient à leur quinzième année se préparaient à la communion luthérienne. Un jeune professeur en théologie venait régulièrement leur donner l’instruction religieuse. Tout à coup, nous apprîmes