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Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/105

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vertu pour bien faire, et trop peu de jugement pour s’y décider ! nous avions là-dessus de fréquentes conversations. Il me disoit souvent qu’il donneront tout au monde pour penser comme moi ; et il réclamoit mon assistance.

J’en fis un déiste, avec la seule aide de ma pauvre petite philosophie. Après cela, je lui mis entre les mains les pensées de Forbès sur la religion. Il les lut attentivement, me renvoya le livre, avec cette réflexion, écrite au bas de la dernière page : Tu m’as presque persuadé de devenir chrétien.

Je crus qu’il falloit faire avancer Pascal ; et je lui prêtai ses pensées. Il me les rendit, après les avoir endossées avec ces mots : Je suis presque de ton avis, mais pas tout-à-fait, surtout quand tu veux me faire croire certains mystères aussi absurdes que peu philosophiques.

Faites d’un incrédule un moraliste ; et si vous n’en faites pas bientôt après un chrétien, son indolence ou son ignorance en seront plutôt la cause, que l’impiété à laquelle tout le monde crie. J’ai eu depuis la satisfaction de voir mon catéchumène vertueux, ajouter foi aux bonnes œuvres, vivre exemplairement, et pratiquer aussi bien que croire.