Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/146

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délicats de ce bon pasteur. Ce seul coup de pinceau dans son caractère vaut, selon moi, tous les rafinemens, toute la franchise du cœur de l’incomparable chevalier de la Manche ; et je vous l’avoue, monsieur le maréchal, j’aime mieux le caractère de Don Quichotte, avec toutes ses folies ; j’aimerois mieux le voir lui-même, que tous les héros anciens et modernes. — Mais ne vous fâchez pas ; je ne vous dis cela qu’en passant.

Ce n’est cependant pas là la morale de mon histoire. — Je voulois seulement faire voir la bizarrerie de l’humeur, ou plutôt l’injustice du monde dans toutes les affaires qui se présentent en général, et singulièrement dans celle-ci. Pendant tout le temps que cette explication pouvoit faire honneur au ministre, personne ne découvrit les motifs de sa conduite. Je suppose que ses ennemis ne le voulurent pas, et que ses amis ne purent les pénétrer. Mais aussitôt que l’on vit ses démarches pour établir la sage-femme, et que l’on sut qu’il avoit payé les frais de son brevet, une étincelle qui tombe sur de la poudre ne fait pas un effet plus prompt ; tout son secret prit vent. — On se souvint de tous les chevaux qu’il avoit perdus ; on se rappela même qu’on lui en avoit fait périr deux qu’il n’avoit presque point vus ; on racontoit même les