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Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/154

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tation de la gravité qu’il détestoit. Il lui avoit déclaré une guerre ouverte. Il ne pouvoit souffrir qu’elle servît de masque à l’ignorance, à la sottise, à la folie ; et dans quelque endroit qu’il la trouvât, quelque protégée et quelqu’appuyée qu’elle fût, il la poursuivoit avec feu : il étoit sans quartier, sans merci.

« La gravité, disoit-il quelquefois, dans sa façon sauvage de parler, est comme ces scélérats de l’espèce la plus dangereuse. Elle est toujours entourée ou accompagnée de la ruse, de la fraude et de l’artifice. » Il croyoit fermement qu’elle exerçoit plus de rapines en un an sur les honnêtes gens, par son langage faux, que la filouterie ne le peut faire en dix ans par sa subtile adresse. — Quel risque court-on, s’écrioit-il, avec un homme ouvert, et que la gaieté de son cœur fait d’abord connoître ? — Tout le danger est pour lui. — Mais la ruse, l’astuce, la fourberie, la duplicité sont l’essence même de la gravité. C’est un moyen étudié pour se faire une réputation d’esprit, de bon sens et de connoissances qu’on n’a pas. — Elle étoit pire, selon lui, que ce qu’un auteur françois, de beaucoup de mérite, ne l’avoit définie. Il disoit que c’étoit « un maintien mystérieux du corps, pour couvrir les défauts de l’esprit. » Ne