Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/182

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même grandeur d’ame que ma mère. — Il y avoit pourtant cette différence ; c’est que le cas où se trouvoit ma mère ne lui fournissoit pas l’occasion de faire autant l’héroïne. Elle pouvoit au moins compter sur les secours de la sage-femme, et à tout prendre elle pouvoit espérer qu’ils lui seroient utiles. Elle avoit, pendant vingt ans, accouché toutes les femmes de la paroisse, sans qu’on pût lui reprocher, ni négligence, ni faute, ni accident sinistre. Ces succès étoient de bon augure.

Ces circonstances ne laissoient pas que d’avoir du poids. — Cependant elle ne pouvoit entièrement dissiper certains scrupules inquiétans qui agitoient mon père sur le choix qu’avoit fait ma mère. — Je ne parle point de ces sentimens d’humanité, de bienveillance, ni de ces glapissemens de l’amour paternel et conjugal, qui l’excitoient à ne laisser au hasard dans tout ceci que le moins qu’il lui seroit possible. — Il se sentoit particulièrement intéressé à ce que les choses se passassent bien. — À quelle affliction ne seroit-il pas exposé, s’il arrivoit quelque accident à sa femme et à l’enfant, parce qu’elle seroit accouchée à Shandy ? — Il savoit que le monde, qui ne juge jamais que par les effets, l’accableroit de reproches, s’il arrivoit quelque