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Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/195

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de ridicule ; mais elle ne touche point aux noms de baptême, ils restent inaltérables. »

Mon père aimoit et détestoit donc certains noms. — Il y en avoit d’autres cependant qui lui étoient indifférens… Tels étoient, par exemple, ceux de Jean, de Thomas, de Philippe ; il les appeloit des noms neutres, et disoit, sans vouloir les satiriser, que si depuis le commencement du monde, il y avoit eu beaucoup de sots, de fourbes et de scélérats qui les avoient portés, il y avoit aussi eu beaucoup d’honnêtes gens qui les avoient eus. — Il en étoit de ces noms, dans son esprit, comme de deux forces égales qui agissent l’une contre l’autre en sens contraires. — Il jugeoit qu’ils détruiroient mutuellement les mauvais effets l’un de l’autre ; et il n’auroit pas donné, disoit-il, un noyau de cerise pour avoir le choix, ils lui étoient égaux. — Il n’attachoit ni bien ni mal au nom de Robert, qui étoit celui de mon frère. — Mais André lui paroissoit une quantité négative d’algèbre. — Il étoit, disoit-il, pire que rien. Guillaume étoit un de ses favoris ; c’est peut-être à cause des héros de ce nom. — Pour Nicolas, qui marie les filles et fait noyer les matelots, il étoit de l’avis du chevalier de Forbin, qui crioit à son équipage, prêt à