Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/210

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ans de retard m’eussent au moins donné l’espérance de figurer dans le monde littéraire.

Ce qui me console, c’est que presque tous mes contemporains ont le même droit de se plaindre de l’impatiente précipitation de leurs pères. —

Mais j’oublie mon oncle Tobie : — Il a eu le temps de secouer les cendres de sa pipe.

Il étoit certainement d’une humeur qui faisoit honneur à notre atmosphère. — Je ne me ferois pas même de scrupule de le ranger parmi ses plus illustres productions, sans une petite circonstance qui m’en empêche. — C’est qu’il y avoit en lui une grande ressemblance de famille, et cela annonçoit que la singularité de son caractère venoit plutôt du sang qui couloit dans ses veines, que de l’air ou de l’eau, ou d’aucune modification ou combinaison de ses élémens. — Je me suis souvent étonné de ce que mon père, pour rendre raison de certains indices d’excentricité, dans ma jeunesse, n’avoit pas saisi cette idée. — Ah ! oui, toute la famille de Shandy étoit d’un caractère original. — Les mâles seulement ! car les femelles !..... elles n’en avoient point du tout. — Je n’en connois qu’une qu’il faut excepter, et c’étoit ma grand’tante