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Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/437

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disoit mon père, il me semble qu’il y a un siècle.

Ma foi ! dit mon oncle Tobie, je crois tout uniment que cela vient de la succession de nos idées.

Fort bien ! dit mon père. Je suis enchanté de cette solution…

Ce n’étoit pas sans raison qu’il en étoit si satisfait. Il avoit une chose qui lui étoit commune avec tous les philosophes de la terre ; c’étoit la démangeaison de raisonner sur tout ce qui se présentoit : la seule différence, c’est qu’il raisonnoit presque toujours assez bien. Mon oncle Tobie, par sa solution, lui offroit la plus vaste carrière à parcourir ; et ce qu’il y trouvoit de plus agréable, c’étoit la certitude qu’un si beau sujet ne lui seroit pas enlevé par son frère… Le bon et honnête homme ! Il prenoit généralement les choses comme elles venoient. De tous les hommes du monde il étoit peut être celui qui se troubloit le moins l’esprit par des pensées abstraites. Les idées du temps et de l’espace, la manière dont elles nous venoient, de quelle étoffe elles étoient, si elles étoient innées en nous, si nous ne les recevions qu’à la longue, en fourreau ou en culotte, et mille autres de cette espèce, ne l’embarrassoient guère. Il ne