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Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/447

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sur chacun de nous. Puisse-t-il les verser sans mesure dans les réceptacles de notre cerveau, jusqu’à ce que la plus petite cavité, le vaisseau le plus délié en soient remplis, comblés, saturés ! Puisse-t-il tout donner, et l’écume, et la lie, et les sédimens, et les précipités, et tout ! Je ne voudrois pas qu’il y en eût la moindre parcelle perdue. C’est ce que je vous souhaite, et à moi aussi, amen, amen, amen.

Bon Dieu ! que ne ferois-je point alors ? quelle entreprise littéraire seroit au-dessus de mes forces ! que d’ouvrages admirables sortiroient de mes mains ! et combien n’en sortiroient-il pas des vôtres ? que de sensations agréables ! mes esprits en seroient ranimés. Quels charmes ! quelles délices ! le doux chatouillement ! et vous, mes bons amis, avec quel ravissement ne vous asseyeriez-vous pas ou pour lire, ou pour écouter ! que de brouhahas au théâtre et dans les salles d’académie ! on y hausse à présent les épaules ; on seroit dans l’extase. Mais, juste ciel ! que sens-je ? ah ! c’en est trop. Je pâme, je tombe en syncope à la vue de ces grandes idées. Elles vont au-delà du pouvoir et des bornes de la nature même des choses. De grâce ! ne m’abandonnez pas dans ce délire ; tenez-moi.