Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/459

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reilles absurdités ? ma pantoufle a plus de génie, et ma chaise raisonneroit avec plus de justesse. Celle qui me porte en ce moment, est ornée de deux jolies pommettes, faites au tour. Elles sont fichées dans les montants par une cheville qui les y joint avec précision, et qu’on ôte et qu’on remet à volonté. Lorsqu’elles y sont toutes deux, ma chaise a un air d’élégance qui plaît. Ce sont les deux parties les plus élevées de toute la machine. C’est ce qu’il y a de plus frappant. Mais j’ôte une de mes deux boules, il n’importe laquelle, et je regarde. A-t-on jamais rien vu d’aussi ridicule que l’est ma chaise en ce moment ? un philosophe écourté, à qui l’on auroit coupé une oreille pour récompense de ses bonnes instructions, ne le seroit pas plus. Mes deux boules étoient bien mieux ensemble. Nécessaires l’une et l’autre à l’ornement de ma chaise, il y avoit une certaine harmonie entre elles, une certaine correspondance qui faisoit tout leur agrément. C’est ainsi que l’esprit et le jugement sont les plus beaux ornemens de l’homme. Ce sont ceux dont il a le plus grand besoin. Ôtez l’un, et voyez quel est l’autre. J’aimerois presque autant que ma chaise fût privée de ses deux pommettes, que de n’en avoir qu’une