Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/464

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Je ne veux pas qu’on s’en serve ici, reprit précipitamment mon père. Si le docteur Slop a des drogues à piler, il peut les piler dans la cuisine.

Mais, monsieur, dit le caporal, ce sont deux mortiers que j’ai faits pour le siège que nous ferons l’été prochain. J’ai pris pour cela ces deux vieilles bottes fortes qui étoient dans le grenier...... Obadiah m’a dit que monsieur ne les portoit jamais.

Par le ciel ! s’écria mon père en se levant avec précipitation. — De tout ce qui m’appartenoit, c’étoit là la chose la plus précieuse. — Vous le savez, frère Tobie. Elles viennent du grand-père de mon père. C’étaient des bottes héréditaires.

En ce cas, je crains bien, dit mon oncle Tobie, que Trim n’ait annullé la substitution ?

Je n’en ai coupé que le haut, dit Trim.

Je hais les perpétuités autant qu’un autre, s’écria mon père. Mais, morbleu ! ces bottes, continua-t-il en souriant, quoique réellement fâché, étoient dans la famille depuis la guerre civile. Sir Roger Shandy les avoit portées à la bataille de Maiston-Moor. Je ne les aurois pas données pour dix guinées.

Hé bien, frère, dit mon oncle Tobie, qui regardoit les deux mortiers avec un plaisir