Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/508

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CHAPITRE LXI.

Mon père se brouille avec Érasme.


Écoutez, frère Tobie, disoit mon père en lisant son Érasme : voici ce que dit Pamphagus : nihil me pœnitet hujus nasi, et voici ce que lui répond Coclès : nec est cur pœniteat. Que dites-vous de cela ? moi ? rien. Et moi je suis piqué de ce qu’une aussi excellente plume se soit bornée à n’exposer qu’un fait tout nu, sans y ajouter la moindre chose. Ce qui fâchoit mon père, c’est qu’Érasme ne l’eût pas orné de quelques-unes de ces subtilités spéculatives et ambiguës dont on entoure les argumens, et que le ciel a si abondamment prodiguées à l’esprit humain, soit pour l’animer à la recherche de la vérité, soit pour l’exciter à combattre pour elle. — Il auroit volontiers dit que l’auteur n’étoit qu’un sot, si ce n’eût pas été Érasme ; Érasme, qui, s’étant présenté au chancelier Morus sans se nommer, lui causa une telle surprise par les charmes de sa conversation, qu’il ne put s’empêcher de s’écrier : vous êtes Érasme ou le diable. Soyons plus sages, dit mon père. Sa sagesse fut de lire et de relire avec une