Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/519

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de satin et la mit ; il en tira la frange d’argent qui s’y ajustoit, il l’y ajusta ; il se chaussa. Ainsi habillé, son cimeterre au poing et nu, il sortit et alla se promener sur la place d’armes.

Il en avoit déjà fait trois fois le tour, lorsqu’il aperçut la femme du trompette qui venoit à sa rencontre. Oh ! oh ! dit-il, elle a des desseins… évitons-la. Il retourna sur ses pas et revint précipitamment à son auberge, remit ses habits dans sa valise et demanda sa mule pour partir.

Je vais à Francfort, dit-il à son hôte, et vous me reverrez d’aujourd’hui en un mois : puis caressant sa mule et mettant le pied à l’étrier, je m’imagine, poursuivit-il, que vous en avez eu bien soin ; la pauvre bête ! elle est bien fatiguée : voilà plus de six cents lieues que je lui fais faire.

Ma foi ! dit l’aubergiste, c’est un long voyage, et à moins que l’on ait des affaires bien intéressantes… Moi ! point du tout, répondit l’étranger, c’est la curiosité seule qui me conduit. Je voulois voir le Cap-des-Nez dont j’ai entendu parler. Je l’ai vu ; et vous voyez vous-même que je n’ai pas perdu mon temps : j’en ai rapporté un qui est assez beau.

Il n’avoit pas besoin de le faire observer ;