Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ceux que j’ai rencontrés par hasard, et vous avez vu comment je devins auteur par hasard.

Je suis (qui le croiroit ?) plutôt un être pensant qu’un être agissant. Mon esprit a toujours été un chevalier errant, dont mon corps n’étoit que le simple écuyer ; et celui-ci a été tellement harassé des courses et des moulins à vent de son maître, qu’il a souvent eu l’envie de quitter le service, en s’écriant avec son confrère Sancho : béni soit celui qui a inventé le sommeil !

Passionné et indolent tout à la fois, j’ai complétement rempli les devoirs caractéristiques de l’homme.

Les philosophes en comptent quatre : — bâtir une maison, — planter un arbre, — écrire un livre, — et faire un enfant.

Ces quatre vertus cardinales ont été religieusement observées par moi ; et j’ai, selon la morale de l’histoire de Protogènes et d’Apelles, laissé mon nom sur le livre de vie.

Voilà, croyez-moi, foi de ministre, de plaisantes et agréables opérations. Je suis surpris que les hommes ne s’en occupent pas plus souvent : ce sont, de tous les travaux, ceux qui imitent le mieux l’ouvrage des sept jours ; tirer l’ordre du cahos, la lumière des