Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/539

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Sur ce pied là, dit l’hôte, je suis votre homme ; je me flate d’avoir ici le lit le plus mollet qu’il y ait dans toute l’Alsace. Je voulois d’abord le donner à l’étranger.

Ma fime, dit Jacinte, il a le nez si gros et si long… Comment… est-ce qu’il a une fluxion… Je ne sais, mais ça fait peur… Ô ciel ! s’écria l’étranger, seroit-ce une fausse lueur d’espérance. Répète, ma fille ce que tu viens de me dire… N’est-ce point un badinage ? Non, monsieur, non, dit l’hôte, c’est un nez merveilleux. Juste ciel ! grâces te soient rendues : tu me conduis enfin au bout de ma course ; c’est lui, oui, c’est lui, je n’en doute pas ; c’est Dom Diègue, dit le frère de la belle Julie.

Il avoit accompagné sa sœur depuis Valladolid jusqu’en France, en traversant les Pyrénées : mais les fatigues qu’elle avoit essuyées, jointes à l’inquiétude qui la tourmentait sur le sort de son amant, lui avoient causé une maladie qui l’arrêta à Lyon. À peine lui étoit-il resté assez de force pour écrire à son cher Diégo. Elle avoit remis la lettre à son frère, en le conjurant de ne jamais la revoir qu’il ne l’eût remise à son amant.

Fernandès se coucha : l’édredon qui com-