Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/542

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Une foiblesse avoit empêché Julie de pouvoir continuer. Et Slawkembergius, fort embarrassé ici pour deviner comment il auroit terminé cette phrase, se hasarde à dire, après avoir longtemps hésité, qu’elle y auroit ajouté le mot convaincue. Elle avoit des doutes, dit-il ; une jeune fille, et surtout une jeune fille amoureuse qui cherche à éclaircir ses inquiétudes, exige toujours qu’on aille jusqu’à la conviction ; ainsi il est probable que Julie regrettoit de mourir sans être parfaitement sûre de la fidélité de son amant.

Avec quels transports il lut cette lettre ! Que l’on selle vîte ma mule et le cheval de Fernandès, s’écria-t-il. Mais le langage ordinaire dans ces sortes d’occasions n’exprime que très-foiblement le plaisir que l’on goûte… Ô divine poésie ! c’est-là ton lot.

Le Hasard, ce dieu aveugle qui nous précipite aussi souvent dans des abymes de maux, qu’il nous élève au faite du bonheur, offrit en ce moment à l’œil de Diégo une substance précieuse dont il fit usage à l’instant même. Un morceau de charbon qu’il aperçut dans la cheminée, se métamorphosa aussitôt en crayon, et il traça, sur la muraille de sa chambre, une ode qui exprimoit son enchantement.