Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/65

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particulière, à laquelle je ne puis commander dans la chaleur du récit, et je parois souvent avoir entendu ce qui étoit bien loin de ma pensée.

J’ai maintes fois grondé mes servantes et réprimandé ma femme et mes enfans avec le plus grand sérieux, et lorsque je tremblois de les voir alarmés et contrits de ma colère, quelle mortification pour un homme passionné, de les entendre éclater de rire de quelque expression ridicule, de quelque image bouffonne qui m’étoient échappées dans la chaleur de la remontrance !

Le boulet qui emporta le maréchal de Turenne, emporta aussi le bras de Saint-Hilaire. Son fils, à ses côtés, pleuroit du malheur de son père. Il lui dit : mon fils, ne pleure pas sur moi, mais sur lui.

La générosité, la noblesse de ce brave militaire, les sentimens dont il fut affecté en ce moment, agissent si puissamment sur mes nerfs, que je puis dire avec Sidney, quand il entendoit la balle de Perci et Douglas, qu’elle retentit dans mon cœur comme une trompette qui sonne l’alarme.

Je répétois une fois cette histoire dans une société, et elle y faisoit de l’effet ; mais comme je finissois par ces mots, il montra à son fils