Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/98

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et en se pénétrant de l’idée qu’il ne peut exciter l’envie de personne, il arrête, dans sa source, le torrent qui a abymé l’homme vain. Si les passions des autres l’enveloppent jamais dans leur cours débordé, semblable à l’humble arbrisseau de la vallée, il leur donne passage, et ressent à peine l’injure de ces vents orageux qui rompent le cèdre orgueilleux, et le renversent sur ses racines.

Ce que nous attendons des autres, est toujours en raison de ce que nous nous estimons nous mêmes ; et les refus, sans nous détromper, irritent notre orgueil. Je vois des hommes si cruellement tourmentés par les chagrins que leur vanité a créés pour eux, que, quoiqu’ils aient dans leurs mains tout ce qui entre dans la composition du bonheur, ils ne peuvent en faire aucun usage. Comment le feroient-ils ? ils se piquent de leur propre aiguillon, et courent ainsi d’une attente à l’autre, sans jamais goûter de repos. L’humilité précautionne l’homme contre ces maux, les plus sensibles qui soient inscrits dans le catalogue de ceux de la vie. Celui qui est peu de chose à ses yeux, est modéré dans ses désirs, et par conséquent dans leur poursuite. Il peut être trompé dans son attente, et manquer le but auquel il vise ; il