Aller au contenu

Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/99

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peut perdre ses pas ; mais voilà tout : il ne se perd pas lui-même ; il ne perd pas cette heureuse paix de l’ame. Les chagrins de l’homme humble sont doux et paisibles. Heureux caractère ! quand il est affligé, qui n’a pas pitié de lui ? quand il tombe, qui ne s’empresse pas de lui tendre la main ? il semble, à le voir nu et sans défense, qu’il ne pourra pas résister à cet insolent antagoniste qui va le terrasser en passant à ses côtés, et le fouler dans la poussière. Non, il est gardé par l’amour, l’affection et les vœux du genre humain, tandis que l’autre reste seul exposé à sa haine et à sa vengeance.

S’il se présente une occasion où il faille déployer un vrai courage et la force de l’ame, je jetterois plutôt les yeux sur lui, que sur son adversaire. L’orgueil peut rendre un homme violent : l’humilité le rend ferme ; et lequel des deux approche le plus près de l’honneur ? celui qui agit d’après les impulsions variables d’un sang embrasé, et qui se meut d’après celles de la fureur, ou bien celui qui se concentre froidement en lui-même, et qui gouverne son ressentiment, au lieu d’en être gouverné.

L’homme humble a ramassé, dans son ame, un trésor de plaisirs et de contentemens. Il