Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/403

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

déjà touché son bonnet deux fois du bout de sa canne, comme pour dire : pourquoi, Trim, n’est-il pas sur votre tête ? — Trim le ramassa avec la plus respectueuse lenteur ; puis jetant un coup-d’œil humilié sur la broderie de devant, laquelle étoit terriblement ternie, et même usée dans les parties les plus apparentes, il posa de nouveau son bonnet à ses pieds pour moraliser à son sujet. —

« Je t’entends trop bien, s’écria mon oncle Tobie ! et tout ce que tu dis-là n’est que trop vrai. — Mais, Trim, rien n’est fait en ce monde pour toujours durer. » —

« Ô mon cher Tom ! s’écria Trim, — quand ces gages de ton amour et de ton souvenir seront tout-à-fait usés, que dirai-je ? » —

« Il n’y a, Trim, répliqua mon oncle Tobie, autre chose à dire que ce que je t’ai dit ; rien n’est fait en ce monde pour toujours durer. On se creuseroit la cervelle jusqu’au jour du jugement, qu’on ne trouveroit rien de mieux. »

La caporal reconnut que mon oncle Tobie avoit raison, et qu’il seroit inutile, quelque esprit qu’on eût, de chercher à tirer de son bonnet une morale plus saine. Il mit donc son bonnet sur sa tête sans chercher davantage ; et, passant la main sur son front pour