Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/416

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souvent à ses soldats : que chaque balle avoit son billet. — C’étoit un grand homme, dit mon oncle Tobie ! — Et je crois à présent, continua Trim, que le coup qui me mit hors de combat à Landen ne fût visé à mon genou, que pour m’ôter du service du roi et me mettre à celui de monsieur, où je serai sûrement mieux soigné dans ma vieillesse. — Tu peux y compter, Trim, s’écria mon oncle Tobie avec la dernière vivacité. »

Le cœur du maître et celui du valet étoient également sujets à ces épanchemens imprévus. — Le caporal voulut parler, il voulut remercier son maître ; — les larmes l’inondèrent, — il resta sans parole, sans mouvement ; — il resta les yeux fixés sur mon oncle Tobie ; mais son visage exprimoit sa reconnoissance, et payoit les marques de bonté de son maître. Une larme alors coula sur la joue de mon oncle Tobie, et paya l’attachement du serviteur. —

Cette scène fut suivie d’un long silence. — Trim le rompit le premier, et s’efforçant de prendre un ton plus gai pour tâcher de distraire son maître : — « D’ailleurs, monsieur, dit-il, sans cette blessure que j’ai reçue à Landen, je n’aurois jamais été amoureux ? » —