Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/424

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« La jeune béguine, continua le caporal, m’avoit à peine dit qu’elle seroit ma garde-malade, qu’elle se mit en devoir d’en remplir les fonctions. Elle sortit, et au bout de quelques minutes qui me parurent bien longues, elle me rapporta des flannelles et des drogues pour mon genou, qu’elle bassina et fomenta pendant une couple d’heures ; puis elle me prépara une écuelle de gruau pour mon souper ; et quand je l’eus prise, elle me promit de revenir de grand matin, et me souhaita une bonne nuit. —

» En dépit de son souhait, ma nuit fut bien mauvaise. — La fièvre fut très-violente ; — la figure de la béguine ne cessa de me tourmenter. — À chaque instant j’aurois voulu partager le monde en deux, et lui en donner la moitié. — À chaque instant je m’écriois : Pourquoi n’ai-je qu’un havresac et dix-huit florins à partager avec elle ! — Tant que la nuit dura, je vis la belle béguine comme un ange bienfaisant, se tenir près de mon lit, en soulever les rideaux, et m’offrir des potions cordiales. Je ne fus tiré de mon songe que par la belle béguine elle-même, qui revint auprès de moi à l’heure promise, et qui me rendit en réalité les mêmes services dont je venois de rêver. — En vérité