Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/433

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le mois de juin jusqu’au mois de janvier, ce qui comprend les mois les plus chauds et les plus froids de l’année, — qu’il n’auroit pas été, au bout de ce temps, en état de dire si vous aviez les yeux noirs ou les yeux bleus.

La grande difficulté étoit donc d’engager mon oncle Tobie à y regarder. —

Elle fut surmontée. —

Et je vois là mon bon oncle Tobie, sa pipe à la main, dont les cendres s’échappent, regardant, et regardant ; puis se frottant les yeux, et regardant encore avec deux fois plus d’attention et de bonhomie, que Galilée n’en a jamais mis à regarder les taches du soleil. —

Le tout en vain. — Par toutes les puissances qui animent nos organes, l’œil gauche de Mistriss Wadman brille en ce moment autant que son œil droit. Il n’y a ni paille, ni moucheron, ni poussière, ni fétu d’aucune espèce ; — il n’y a rien, mon cher oncle, il n’y a rien qu’un feu délicieux qui s’y glisse furtivement, et qui delà se répand dans toutes les parties de ton existence.

Prends garde, oncle Tobie ! fuis le danger ; — éloigne-toi : — si tu regardes un moment de plus dans l’œil de cette charmante veuve, tu es perdu !