Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/451

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faire un enfant, nolens et volens, ce qui signifie, je crois, que je le voulusse ou non, pour plaire au plus grand prince de la terre. » —

« J’avoue, dit mon père, qu’il y auroit de ma part un peu de cruauté à t’y contraindre. — Mais c’est une supposition que j’ai faite, frère Tobie, pour te montrer que ce n’est pas sur ton projet de faire des enfans (en cas que tu en sois capable) mais sur les systèmes que tu as sur l’amour et le mariage, que je veux te redresser. »

« Mais, dit Yorick, il y a beaucoup de raison et de bons sens dans l’opinion que le capitaine Shandy se forme de l’amour ; et dans les heures perdues de ma vie, dont je rendrai compte un jour ; j’ai lu beaucoup de poètes et de rhéteurs, desquels je n’aurois jamais pu en extraire autant. » —

« Je voudrois, Yorick, dit mon père, que vous eussiez lu Platon, il vous auroit appris qu’il y a deux amours. — Je sais, dit Yorick, qu’il y avoit deux religions parmi les anciens ; l’une pour le peuple, et l’autre pour les savans. Mais je pense qu’un seul amour pouvoit suffire aux uns et aux autres. — Point du tout, dit mon père, et par les mêmes raisons ; — car de ces deux amours, suivant le com-