Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/450

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taine ; au contraire, j’en serois charmé ; et j’aimerois chacun d’eux, Tobie, autant que si j’étois son père. »

Mon oncle Tobie passa sa main derrière sa chaise, sans être aperçu, pour serrer celle de mon père. —

Mon père prit la main de mon oncle Tobie. —

« Bien plus, mon cher frère, continua mon père, — formé comme tu l’es de tout ce qu’il y a de plus doux dans la nature humaine, ayant si peu de ses aspérités, c’est une pitié que la terre ne soit pas toute peuplée d’habitans qui te ressemblent. — Et si j’étois monarque d’Asie, ajouta mon père, en s’échauffant pour ce nouveau projet, je t’obligerois (pourvu que la chose ne fût pas au-dessus de tes forces, et ne desséchât pas trop promptement ton humide radical, — pourvu enfin que cet exercice ne fît aucun tort à ton imagination ni à ta mémoire, ce qui arrive quand on s’y livre inconsidérément) oui, frère Tobie, je te procurerois les plus belles femmes de mon empire, et je t’obligerois, nolens et volens, de me faire un sujet tous les mois. » —

« Tous les mois, dit ma mère, en prenant une prise de tabac ! » —

« Je ne voudrois pas, dit mon oncle Tobie,