Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/477

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tableau, s’écria mon oncle Tobie ! la malheureuse avoit beaucoup souffert, et elle avoit appris à compatir. » —

« C’étoit, sauf le respect de monsieur, une excellente créature aussi bien qu’une excellente ouvrière. Il y a, continua Trim, dans l’histoire de cette pauvre malheureuse, des circonstances qui attendriroient un cœur de roche ; et dans quelqu’une de nos soirées d’hiver, quand monsieur sera disposé à les entendre, je les raconterai à monsieur, avec le reste de l’histoire de Tom, dont elles font partie. » —

« Ne l’oublie donc pas, Trim, dit mon oncle Tobie. » —

« Mais, monsieur, dit le caporal, avec un air de doute, un nègre a-t-il une ame ? » —

« Je suis peu versé, caporal, dit mon oncle Tobie, dans les choses de cette nature. Mais je suppose que Dieu n’auroit pas voulu laisser un nègre sans ame, plutôt que toi ou que moi. » —

« Ce seroit une affreuse injustice, dit le caporal. » —

« Assurément, dit mon oncle Tobie. » —

« Pourquoi donc, oserois-je demander à monsieur, traite-t-on plus mal une servante noire qu’une blanche ? » —