Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/478

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« Je ne puis t’en donner aucune raison, dit mon oncle Tobie. » —

« C’est sans doute qu’elle n’a point d’amis, dit le caporal en secouant la tête, ni personne pour prendre sa défense. » —

« Trim, dit mon oncle Tobie, c’est-là ce qui devroit lui assurer, ainsi qu’à ses frères, notre protection. — C’est le hasard de la guerre qui les a mis en notre pouvoir, qui a placé la verge dans nos mains. — Où elle sera ensuite, le ciel le sait ; mais en quelques mains qu’elle tombe, Trim, le brave homme n’en usera pas d’une manière barbare. » —

« Le ciel l’en préserve, dit le caporal ! » —

« Amen, répondit mon oncle Tobie, en posant la main sur son cœur. » —

Le caporal reprit son histoire pour la continuer ; mais avec une espèce d’embarras, dont le lecteur ne devine peut-être pas la cause. —

Par toutes ces transitions soudaines, et la plupart touchantes, dont le caporal avoit entre-mêlé son récit, il avoit perdu la clef sur laquelle il l’avoit commencé. Son projet avoit été de distraire son maître, et son maître s’attendrissoit. Deux fois il toussa, deux fois il essaya de se remettre sans pouvoir y parvenir ; enfin il rappela ses esprits, replaça sa