Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/486

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C’étoit précisément l’instant où le caporal entamoit l’histoire de son frère Tom et de la veuve du Juif. — L’histoire commença, — continua, — elle eut des épisodes, — on revint sur ses pas, — on continua, — on poursuivit, — l’histoire ne finissoit pas ; — le lecteur l’a trouvée bien longue. —

Le ciel ait pitié de mon père ! il jura cinquante fois ; chaque attitude nouvelle le désespéroit. Il donna le bâton du caporal, et ses moulinets, et toutes ces gentillesses, à autant de diables qu’il en crut de disposés à accepter le cadeau. —

Quand l’issue des événemens pareils à ceux qui tenoient mon père dans l’attente, reste ainsi suspendue dans les mains des destinées, l’esprit a, par bonheur, trois espèces de situations à parcourir ; sans quoi il lui seroit impossible de tenir jusqu’au bout.

Le premier moment est donné à la curiosité, — le second à justifier cette curiosité, — Quant aux troisième, quatrième, cinquième, et cœtera, jusqu’au jour du jugement. — Ils sont de l’empire du point d’honneur.

Je sais que beaucoup de moralistes mettent le tout sur le compte de la patience. Mais cette vertu a, ce me semble, un département suffisant, et dans lequel elle peut s’exercer.